Grève à l'École Aberdeen - Aberdeen School

1913 - 1913
3535 St-Denis

Le 28 février 1913, autant que 500 étudiants juifs qui fréquentaient l’École Aberdeen ont quitté les classes pour participer à une grève générale. Quelle était la cause de cette rébellion rapide qu’ont alors organisée des enfants de douze ans et moins? Le jour précédent, un enseignant de sixième année nommée Miss McKinley avait dit à ses élèves que l’augmentation de la « saleté » dans l’école correspondait au nombre croissant des étudiants juifs qu’elle accueillait. Le même jour, cinq élèves de sa classe se sont rencontrés pour discuter de la situation et préparer une réponse à son commentaire ; il s’agissait de Moses Margolis, Joe Orenstein, Frank Sherman, Harry Singer, and Moses Skibelsky.

Après avoir demandé sans succès des excuses de la part de leur enseignante, les garçons ont entraîné leurs compagnons de classe dans une grève qui a débuté le matin suivant. En faisant du Square Saint Louis (situé en face de leur école, rue Saint-Denis) leur quartier général, ils ont formé rapidement un comité de grève. Les dirigeants de la grève ont ordonné aux autres enfants de garder leurs rangs; il fut décidé que tout étudiant qui retournerait à l’école à titre préventif serait considéré comme un briseur de grève. Pour toute revendication, les élèves demandaient que l’enseignante soit transférée dans une autre école.

L’École Aberdeen, qui accueillait une grande majorité d’étudiants juifs tout en faisant partie du système des écoles protestantes, était fréquentée par des enfants de la classe ouvrière. L’organisation et l’éthique de la grève semblaient innés chez les élèves, y compris chez les protestants les plus jeunes. À ce titre, les enfants avaient plusieurs modèles, puisés notamment dans la grève générale de 1912 dans l’industrie de la confection. Pendant une journée entière, les élèves ont fait le piquetage à l’école, ils ont marché jusqu’aux bureaux du journal yiddish Keneder Adler afin de donner une interview, et ils se sont rendus à l’Institut Baron de Hirsch afin d’obtenir l’appui de certains adultes.

Dans un tel contexte, le rabbin Herman Abramowitz, de la Congrégation Shaar Hashomayim, et l’avocat S. W. Jacobs, ont agi à titre d’émissaires auprès des enfants, en allant rencontrer le directeur de l’école. Celui-ci refusa de commenter la grève auprès du public et remit l’affaire entre les mains des commissaires de l’école. Entretemps, Miss McKinley fit une sorte de révocation: elle affirma qu’elle regrettait d’avoir fait des commentaires qui avaient été « interprétés de manière erronnée par les enfants ». Bien que ses excuses furent considérées insuffisantes, le comité de la grève accepta de retourner à l’école le lundi, de manière à permettre aux représentants adultes de manipuler adroitement les négociations. Par la suite, l’enseignante fut transférée dans une autre classe et les commissaires décidèrent d’engager quelques enseignants juifs au cours de l’année suivante – il s’agissait d’une demande de longue date que la communauté juive avait adressée au Bureau des écoles protestantes, qui demeurait hostile à cette idée. Toutefois, il fallut attendre plusieurs années avant que les enseignants juifs soient engagés en grand nombre dans les écoles protestantes.

Pour plusieurs élèves juifs et leurs parents, cet événement représenta un appel urgent à la justice au sein du Bureau des écoles protestantes. Plusieurs immigrants juifs, les « downtowners », allaient bientôt appuyer l’idée d’un bureau d’écoles juives distinctes, une demande qui eut pour résultat de diviser la communauté juive une décennie plus tard, durant la période de « la question scolaire juive ». Pour les centaines d’enfants qui avaient protesté, et pour l’ensemble de la communauté juive de Montréal, la grève fut considérée comme une grande victoire.

Par Sarah Woolf, traduit par Chantal Ringuet

Links

Liens

"Strikes Are Old-School in Quebec" - Montreal Gazette
"Wee Kids on Picket Duty and the Aberdeen School Strike," Interview with Mary Anna Poutanen and Rod MacLeod - Third Solitude Series

Sources

Brainin, Reuben. "Strike of Yiddish School Children in Aberdeen School (March 2, 1913)." Through the Eyes of The Eagle : the Early Montreal Yiddish Press (1907-1916). Ed. Pierre Anctil. Montreal: Véhicule Press, 2001.

MacLeod, Roderick and Mary Anne Poutanen. A Meeting of the People: School Boards and Protestant Communities in Quebec, 1801-1998. Montreal: McGill-Queen's UP, 2004.

Medres, Israel. Montreal of Yesterday: Jewish Life in Montreal, 1900-1920. Montreal: Vehicule Press, 2000.

Oliver, Michael. The Passionate Debate : the Social and Political Ideas of Quebec Nationalism, 1920-1945. Montreal: Véhicule Press, 1991.

Wolofsky, Hirsch. Mayn Lebns Rayze: un demi-siècle de vie Yiddish à Montréal et ailleurs dans le monde, 1946. Trans. Pierre Anctil. Sillery: Septentrion, 2000.

*Les images proviennent des Archives nationales du Congrès juif canadien, Comité des charités.

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