La Bibliothèque publique juive

1973 - present
5151 Cote-Ste-Catherine, Montréal

Depuis 1914, la Bibliothèque publique juive (BPJ) ou Yidishe Folks Bibliotek (en yiddish), est un centre culturel favorisant l’avancement des connaissances en matière de culture juive, le développement de la vie communautaire et la diffusion de la littérature yiddish. Son émergence reflète la popularité croissante des bibliothèques publiques, le renforcement de la culture littéraire de langue yiddish aux plans locaux et internationaux et la consolidation de la communauté juive de Montréal au début du siècle dernier.

La Bibliothèque publique juive a été créée dans un contexte marqué par la domination de l’Église catholique au Québec, d’une part et, d’autre part, par l’affrontement des intérêts respectifs des Juifs nantis ou « uptowners » et des Juifs immigrants ou « downtowners ». Le développement des bibliothèques publiques, un phénomène alors répandu en Amérique du Nord, est survenu tardivement au Québec, où la plupart des bibliothèques ont d’abord été gérées par des groupes d’intérêts particuliers. Les immigrants membres de la communauté juive ont créé une bibliothèque publique accessible aux « downtowners » séculiers de langue yiddish qui étaient arrivés récemment de l’Europe de l’Est, où la littérature yiddish et les idéologies révolutionnaires étaient répandues. Dès le départ, l’institution a reposé sur un désir de rendre l’éducation accessible à tous, la promotion de la littérature juive dans diverses langues et des approches socialistes favorisant l’établissement d’une communauté.

Un certain nombre de petites bibliothèques d’orientation politique existaient avant le développement de la Bibliothèque publique juive. Parmi celles-ci, la salle de lecture de Harry Hershman située sur le boulevard Saint-Laurent, près de la rue Ontario, était un endroit populaire où les immigrants pouvaient discuter des idéologies radicales et des textes en langue yiddish.

En fusionnant des collections de livres provenant d’organisations sociales variées, incluant le Poale Zion (le mouvement travailliste-sioniste), une association d’organisation travaillistes juives a fondé en 1912 la Yidishe Folks Bibliotek et la Folks Universitet (la Bibliothèque juive populaire et l’Université populaire). À la suite d’une brève fermeture causée par un manque de fonds, l’institution a réouvert en 1914 lorsque Yehuda Kaufman, le fondateur de la Folks shule (l’École juive populaire), a recruté l’éditeur du Keneder Adler (le quotidien juif de Montréal), Reuben Brainin. En sollicitant le support de la communauté dans le journal, Brainin en est devenu le président. L’institution n’était pas une simple bibliothèque ; en réalité, c’était le centre culturel et social de la communauté. Pour cette raison, elle a été renommée Bibliothèque publique juive en 1951. La Folks-Universitet, dirigée par Melech Ravitch durant les années 1940 et 1950, a poursuivi ses activités jusqu’en 1954. L’institution présentait des conférences publiques et des débats politiques, en plus d’offrir des cours de langue française et anglaise aux nouveaux immigrants.

La langue et la culture yiddish sont demeurées centrales dans la mission de la Bibliothèque, dont 50 p. cent de la collection se composait, au départ, de livres en langue yiddish. Des conférences données par les écrivains yiddish Sholem Aleichem et Morris Rosenfeld durant les premières années de la Bibliothèque, et par Melech Ravitch durant les années 1940, figuraient parmi les rassemblements populaires de la communauté. Pendant les années 1950, les membres du conseil ont refusé de compromettre leurs idéaux d’« atmosphère populaire » ; de même, ils ont refusé de réduire l’importance accordée au yiddish pour obtenir davantage d’argent, malgré la sécurité financière que cela leur aurait permis d’acquérir.

La BPJ a connu plusieurs déménagements importants. En 1953, un nouvel édifice a été construit à l’angle de la rue de l’Esplanade et de l’avenue du Mont Royal pour accueillir l’institution, qui y a développé pleinement son rôle de centre communautaire culturel. En suivant le déplacement de la communauté juive vers l’ouest, la Bibliothèque publique juive s’est finalement installée, en 1973, dans la Maison Cummings, située Chemin de la Côte-Sainte-Catherine, dans le quartier Snowdon. De nos jours, la BPJ dessert une population juive très diversifiée sur le plan linguistique, tout en continuant de préserver la langue et la culture yiddish. Les archives de la Bibliothèque, une source de documentation forte riche à propos des personnalités et des institutions juives montréalaises, contribuent à préserver l’histoire de la communauté.

Par Marian Pinsky, traduit par Chantal Ringuet.

Links

Liens

"Jewish Public Library" - Réseau canadien du patrimoine juif
Site web de la Bibliothèque publique juive

Sources

Caruso, Naomi, Barbara Kay, Liba Augenfeld et Carole Burke.Folk's Lore: A History of the Jewish Public Library, 1914-1989. Montréal : Jewish Public Library/Bibliothèque publique juive, 1989.

Gubbay, Sharon Rachel. The Jewish Public Library of Montreal, 1914-1952. Montréal, mémoire de maîtrise, Université McGill, 1983.

« Histoire: À-propos de nous ». Bibliothèque publique juive.Montréal.

« The History of the Montreal Jewish Public Library and Archives » (Texte non publié). Bibliothèque publique juive Montréal, 1970.

Margolis, Rebecca. « The Yiddish Press in Montreal, 1900-1945 ». Revue d’études juives canadiennes/Canadian Jewish Studies Journal 1617 (2010) : 3-26.

Margolis, Rebecca. Jewish Roots, Canadian Soil: Yiddish Culture in Montreal, 1905-1945. Montréal: McGill/Queens University Press, 2011.

Rome, David. The Heroes of Montreal Jewish Education. Montreal: Archives nationales, Congrès juif canadien, 1992.

Rosenberg, Louis. Our Library, 1914-1957. Montréal: Jewish Public Library/Bibliothèque publique juive, 1957.

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