L’Université McGill et le quota sur les étudiants juifs

1924 - 1950
845 Sherbrooke O., Montréal

De la fin des années 1920 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’Université McGill imposa des mesures discriminatoires aux étudiants juifs. Pour de nombreux immigrants ashkénazes qui étaient arrivés de l’Europe de l’Est au début du siècle, l’éducation était le meilleur moyen d’accéder à la mobilité sociale. Cela engendra une hausse importante du nombre d’étudiants juifs dans les universités montréalaises, dont l’Université McGill. À titre d’exemple, en 1913, l’institution accueillait 6,8% d’étudiants juifs ; en 1924, ce nombre atteignait 25%.

Le recteur de l’université, Sir Arthur Currie, s’inquiéta alors de la situation, croyant qu’un nombre élevé et croissant de Juifs empêcherait les Anglo-protestants d’y recevoir une éducation convenable. Ira Allan Mackay, le doyen de la Faculté des arts, se rangea aussi à son avis. Par conséquent, la moyenne exigée pour qu’un Juif soit accepté à cette faculté augmenta à 75%, alors que la moyenne requise pour les non-Juifs était de 60%. Un quota strict fut institué dans les facultés de médecine et de droit, ce qui limita le nombre d’étudiants juifs admissibles à 10% de l’ensemble des étudiants. Auparavant, des mesures similaires avaient été mises en place dans plusieurs universités américaines, dont l’Université Harvard et l’Université Colombia.

La plupart de ces mesures discriminatoires ne cessèrent qu’après la Seconde Guerre mondiale et ce, malgré les pressions qu’exercèrent des personnalités influentes, dont l’homme d’affaires Samuel Bronfman. Les mesures discriminatoires à l’endroit des Juifs à l’Université McGill rendent compte d’une période historique marquée par un penchant pour l’antisémitisme chez les anglophones du Québec. À la fois plus insidieux et moins public que celui de certaines personnalités intellectuelles, religieuses et politiques francophones, ce penchant antisémite était tout aussi nuisible, car il limitait les opportunités économiques et sociales des Juifs. Ces tendances sont comparables aux incidents antisémites qui eurent lieu à l’Université de Montréal et aux restrictions concernant l’admission de médecins internes juifs dans les hôpitaux catholiques de la ville à la même période.

Par Valérie Beauchemin.

Links

Liens

Correspondence Regarding the Admission of Jews

Sources

Abella, Irving M. None is Too Many: Canada and the Jews of Europe, 1933-1948. New York: Random House, 1983.

Anctil, Pierre. Le rendez-vous manqué. Les Juifs de Montréal face au Québec de l’entre-deux-guerres. Montréal : Institut québécois de recherche sur la culture, 1988.

Anctil, Pierre. “Interlude of Hostility: Judeo-Christian Relations in Quebec in the Interwar Period, 1919-1939.” Antisemitism in Canada: History and Interpretation. Alan T. Davies (dir.). Waterloo: Wilfrid Laurier University Press, 1992.

Brice Frost, Stanley. McGill University for the Advancement of Learning Volume II: 1895-1971. Montréal: McGill-Queen’s University Press, 1984.

King, Joe. Fabled City, The Jews of Montreal. Montreal: Éditions Price-Patterson Ltd., 2009.

King, Joe. Les Juifs de Montréal. Trois siècles de parcours exceptionnels.Traduit par P. Anctil. Outremont: Éditions Carte Blanche, 2002.

Mendelson, Alan. Exiles from Nowhere: The Jews and the Canadian Elite. Montréal: Robin Brass Studio, 2008.

*L’image provient des archives de l’Université McGill.

Media

Media