Le Dr Sam Rabinovitch et la grève à l’Hôpital Notre-Dame - Hôpital Notre-Dame

1934 - 1934
1560 Sherbrooke E., Montréal

En octobre 1934, l’Hôpital général juif a été inauguré à Montréal. L’ouverture de l’institution correspondait alors à la fin d’une année difficile pour les Juifs au sein de la profession médicale. Quelques mois auparavant, du 14 au 18 juin, les stagiaires de l’Hôpital Notre-Dame avaient amorcé la première grève dans le domaine de la médecine au Canada. Les stagiaires réclamaient alors que soit annulée la nomination du Dr. Samuel Rabinovitch en tant que stagiaire senior, afin que le poste soit attribué à un Canadien français. Issu d’une famille de médecins juifs, Rabinovitch s’était classé parmi les premiers de son année scolaire lors de sa graduation à l’Université de Montréal.

Pendant les quatre jours de grève, l’hôpital fonctionna à un niveau inférieur à sa capacité car les médecins faisaient du temps supplémentaire pour traiter leurs patients. La grève s’est ensuite répandue au sein de quatre autres hôpitaux ; au total, environ soixante-quinze stagiaires y ont participé. Lorsque quelque deux cents infirmières ont menacé de faire la grève à leur tour, Rabinovitch a décidé de remettre sa démission. Il le fit le 18 juin.

Dans la lettre qu’il adressa au conseil d’administration, Rabinovitch faisait l’éloge de l’hôpital et de son positionnement à l’endroit de cette question. En outre, il déplorait qu’un nombre très élevé de physiciens canadiens-français, des diplômés récents pour la plupart, aient ignoré le premier devoir de leur serment. Malgré les pressions exercées par plusieurs membres de la communauté juive de Montréal afin que Rabinovitch conserve son poste, celui-ci espérait avant tout que ses collègues se rappellent de leur devoir : « L’attention accordée aux malades a toujours été de première importance pour les Juifs ». Par la suite, Rabinovitch accepta un stage à Saint-Louis, dans le Missouri. En 1940, il retourna à Montréal, où il exerça sa profession même l’âge de 90 ans. Il mourut en 2010, à l’âge de 101 ans.

À l’hôpital, la grève eut d’importantes conséquences: l’institution cessa alors d’engager des Juifs. L’Université de Montréal s’adapta ensuite au changement d’atmosphère général caractérisant le Québec des années 1930. À l’Université McGill, le quota juif établi de manière informelle avait créé un précédent, et l’antisémitisme atteignit alors un sommet au cours de cette décennie. À la suite de la grève à l’Hôpital Notre-Dame, l’Université de Montréal fit preuve d’une tolérance plus limitée à l’endroit des Juifs. Dans les institutions québécoises, l’antisémitisme disparut après la Seconde Guerre mondiale.

Par Sarah Woolf, traduit par Chantal Ringuet.

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Sources

Abella, Irving M. A coat of many colours : two centuries of Jewish life in Canada. Toronto : Lester & Orpen Dennys, Publishers, 1990.

Bélanger, Claude. « Documents in Quebec History: Chronology of the Notre-Dame Hospital Internes’ Strike [1934]. »Quebec History. Ed. Bélanger, Claude. Montréal : Marianopolis College, 1999.

Bélanger, Claude. « Documents in Quebec History: Documents on the Notre-Dame Hospital Internes’ Strike (1934). » Quebec History. Ed. Bélanger, Claude. Montréal : Marionopolis College, 2000.

Davies, Alan T. Antisemitism in Canada : History and Interpretation. Waterloo : Wilfrid Laurier University Press, 1992.

King, Joe. Les Juifs de Montreal : trois siècles de parcours exceptionnels. trad. P. Anctil. Outremont : Carte Blanche, 2002. 

Weinfeld, Morton. Like Everyone Else, but Different: the Paradoxical Success of Canadian Jews Toronto : McClelland & Stewart, 2001.

Wilton, Peter. « Days of shame. Montreal, 1934. » Canadian Medical Association Journal 169, 12 (2003) : 1329.

*Les image proviennent des Archives du Congrès juif canadien, Comité des charités.

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